Twitter: premier media à dompter la rumeur?

Ce WE @soacre, un twitteur comptant (à l’époque) 80 followers, c’est à dire une petite sphère, a publié un tweet « scoop »: Johnny serait en mort cérébrale et l’annonce officielle serait prévue pour lundi, le temps que la famille arrive.
Puis double confirme

En ce qui me concerne, ça a rebondit chez moi via @mrboo. Evidemment doute. Mais le fait que @mrboo l’aie retweeté compte, puisque lui je le connais, et que j’ai mon opinion sur son intégrité. C’est essentiel. C’est ma première connexion et c’est l’indice de confiance qui cimente le réseau. Mais ce n’est qu’un élément parmi tant d’autres. J’ai ensuite consulté la timeline de l’émetteur original du message, et en lisant un peu, j’ai la sensation évidemment subjective qu’il est sincère et selon lui fiable. Après hésitation, mais pour d’autres raisons, je retweet.

Alors que nkgm se précipite déjà sur LePost (pour le coup je trouve avec précipitation) pour dénoncer l’embrasement de la twittosphère, on constatera bien vite que de feu il n’y eu point. Et ce qui m’intéresse ici c’est: pourquoi?

Je dirais avant tout parce que twitter est neuronale et que l’impact d’une information sans réalité est voué à s’écraser sur l’autorégulation du global brain. Et c’est vraiment ce qui fait la différence, ce qui amène une nouveauté que ceux qui traitent Internet de « saloperie » ne peuvent pas comprendre: Internet devient intelligent. Contrairement à ce que pensent parfois ceux du dehors, on ne tweet pas tout et n’importe quoi. 😉

Quelques raisons pour lesquelles selon moi la réalité de ce real-time-web est bien différente de ce que croient les ignorants:

1- la culture: les utilisateurs rompus à sa pratique sont tout sauf des boit sans soif. Qui prendrait un tweet pour argent comptant? Quand on reçoit, on sait toujours qu’il s’agit d’un influx, d’une décharge. Elle a vocation à se transmettre ou non selon la complexe auto-modération de l’interaction globale.

2- l’horizontalité et l’immédiateté: quand on lit une rumeur dans un vieux média (TV, papier…) 😉 , on sait qu’il faudra du temps pour la confronter a des avis critiques, pour en discuter avec des amis, et que la probabilité est quasi nulle de demander des détails (surtout les sources) à l’auteur. Là on a accès direct à l’auteur et à ses meilleurs détracteurs. On est tous au même niveau et à l’abri d’aucune contradiction. On dit tous des conneries, mais sur twitter on est très vite recadré. On n’est pas anonyme, et ça responsabilise.

3- l’absence de mobile: aucun intérêt sur twitter à essayer de se faire mousser avec une rumeur, c’est le meilleur moyen pour se faire massacrer et perdre toute crédibilité 🙂 Et oui c’est ça qui est beau, la crédibilité a de la valeur ici.

Pour moi twitter a joué son rôle: avec ce qu’il en savait, @soacre a eu raison de lancer ce tweet, perso j’aurai ajouté un conditionnel, mais il a eu une info, il y a cru, il l’a partagé (moi aussi), Twitter l’a matée, et c’est très bien ainsi 🙂

Cet exemple est bien la preuve que nous sommes dans la transmission plutôt intelligente d’infos. La mission de recul, de décorticage, de mise en perspective restant évidemment un travail journalistique.

Des journalistes sont sur twitter, des twitteurs lisent des journaux, et ceux qui dénoncent une confusion des genres méconnaissent je pense un de ces 2 mondes.

Mon ressenti est justement que les journaux « classiques » seront de moins en moins dans le scoop (ils sont déjà largués sur ce terrain) mais de plus en plus dans l’analyse et l’investigation, enfin je l’espère.

J’ajouterai un dernier laïus sur la culture de la transparence: pourquoi les rumeurs ont elles si bonne presse sinon parce qu’en cas de crise le réflexe est encore souvent le secret. Je comprends bien que la famille veuille vivre ces instants douloureux dans l’intimité, mais la vie a fait que Johnny a une immense notoriété, l’aspiration à avoir des infos est gigantesque, le meilleur moyen de couper court est d’être généreux en informations. Plus on fait le blocus, plus on s’expose à des fuites, vraies ou non, et qui prendront tout l’espace libre.

Et j’en termine: je suis bien heureux que Mr Smet aille mieux. Tous mes voeux de prompt rétablissement!

Ah que tweet tweet! 😉

tweet this my friend!

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  1. #1 par woodi le décembre 14, 2009 - 9:37

    Oui, j’aime bien cette idée : »internet devient intelligent ». C’est-à-dire que ses utilisateurs mûrissent en même temps que lui. Ce qui est toujours difficile à faire comprendre aux réfractaires, c’est que le web est récent et donc, en plein dans son adolescence, ou même en enfance, en pleine croissance.

    Sur le volet journalistique, certains professionnels de la profession semblent ne pas vouloir comprendre : l’information n’est plus leur exclusivité, mais nous, les lecteurs, avons plus que besoin d’analystes brillants.

    Et merci pour ce billet, maître frog.

  2. #2 par Fan 2 Johnny le décembre 14, 2009 - 10:48

    l’internaute du Post a fait un travail remarquable car il fallait bien désamorcer la rumeur lancée par cet idiot de Soacre non ?!?!?

    Comment faire pour la désamorcer : la mettre dans un contexte, la reprendre, la comprendre, l’analyser et la traiter.

    Sinon, il fallait laisser les gens retweeté, sans que personne n’en parle et laisser le bad buzz se mettre en place.

    Perso je trouve quen coupant l’herbe sous le pied à la rumeur la ré(d)action du Post a été rapide et pro sur ce coup la

    • #3 par jcfrog le décembre 15, 2009 - 9:30

      Je ne suis pas d’accord sur le qualificatif « idiot ».
      Pour le reste, ça se discute. Je trouve qu’un post demande justement un peu de recul. Hors celui là n’amenait aucun élément d’information supplémentaire. Certes il rappelait qu’il faut être prudent, donc pourquoi pas.
      Mais je ne crois pas qu’il ait désamorcé la rumeur.

  3. #4 par Stan le décembre 15, 2009 - 6:41

    Bien vu.

    Je parlais du même phénomène d’autorégulation dans un de mes articles : http://www.tetedequenelle.fr/2009/10/mythe-desinformation-internet/

    Mais le tien à le mérite de se concentrer sur twitter 🙂

    En fait ce genre de buzz ca fait vraiment du bruit sur le moment, mais au final qu’est-ce qu’on en retient quelques jours/semaines après ? Pas grand chose…

  4. #5 par Phénol le décembre 15, 2009 - 9:21

    Un article particulièrement pertinent et bien pensé. Bravo !

  5. #6 par jjbrun le décembre 15, 2009 - 3:58

    Bravo pour cette analyse. Je dois reconnaître que je me suis un peu plus énervé Dimanche en lisant les aventures de ce pauvre Internaute et la morgue des « professionnels » de l’information.

  6. #7 par Soacre le décembre 16, 2009 - 11:47

    Pour ma part, je ne peux que me réjouir de l’auto régulation faite par les utilisateurs de twitter. Certes, tout le monde n’a pas réagi de la même façon, et si j’ai bien sûr été la cible de moquerie voire de divulgation d’identité (pas compliqué à faire avec un CV en ligne, mais j’avoue que de voir son numéro de tel et son adresse perso se balader sur twitter ne fait pour moi pas partie des vannes d’usage dans ce type d’affaire, mais je suis sans doute un vieux con), globalement, l’info a été digérée aussi vite qu’elle a été transmise. Et c’est tant mieux.

    Pour en revenir à ce tweet malheureux (oui malheureux, car je regrette amèrement de l’avoir diffusé sous cette forme), j’ai pris conscience qu’un tweet n’est généralement pas lu dans le contexte de sa timeline, mais de façon totalement indépendante. Si j’avais réfléchi un tant soit peu avant de poster, le conditionnel aurait bien évidemment été présent. Dans le contexte de la timeline, la possible spéculation sur la fiabilité de l’info était, pour moi, claire. Isolée des autres tweets, cette info était dangereuse et incomplète. Combien d’internautes ont pris la peine de lire la timeline entièrement avant de rediffuser l’info ? Peu, à mon avis. Est-ce une excuse ? NON. Il faut donc prendre soin d’être clair à chaque tweet, malgré le peu de caractères mis à disposition (une info EXCLUSIVE pour expliquer le manque de clarté de ce tweet : j’ai posté ce tweet depuis twitter mobile, qui ne fait pas de décompte du nombre de caractères restants… Et j’avoue que lorsque j’ai publié, ma seule question n’était pas « est ce que c’est clair ? », mais « est ce que ca tient ? »… Là encore, empressement et facilité de publication m’ont fait oublié l’élément essentiel de la diffusion d’un message : la clarté).

    Concernant l’article publié sur LePost, pas grand chose à dire. Je note tout de même qu’ils ont pris la peine de m’appeler pour avoir ma version, ce qui est assez rare pour être mentionné. L’article est assez clair, et résume bien le doute sur la fiabilité de l’info. Je ne suis pas d’accord avec tout, mais il a le mérite de mettre au clair que ce tweet est à prendre en compte avec beaucoup de précaution. De là à dire que cet article a permis de désamorcer la rumeur, je ne le crois pas, et au contraire : je pense que le coté « fun » (pas pour moi) de ce ratage, et la reprise de cet incident sur LePost, a contribué à en faire un mini-mème, et donc à encourager la diffusion de ce tweet malheureux par amusement. Autant j’accepte d’être ridiculisé (j’assume avoir fait une connerie), autant j’aurai aimé que cette info ne soit plus diffusée car incomplète. Jusqu’à dimanche soir, ce tweet a été RT, et je doute que la majorité des lecteurs aient lu mes multiples erratum et mea culpa.

    Bref, pour ma part, j’ai retenu une chose : peu importe ton nombre de followers, twitter est un vrai media social, réactif en bien et en mal, et incontrôlable. Et c’est sa force. A nous de bien savoir l’utiliser.

  7. #8 par puppet master le décembre 16, 2009 - 2:28

    Je trouve ton post trop idéaliste. Les exemples de fausses rumeurs qui ont été propagées à grande échelle par twitter ne manquent pas ! Tout comme les hoax circulent par mail ou les arnaques en courrier papier. Simplement parce que le monde est rempli d’abrutis et twitter ne fait pas exception.
    Internet ne devient pas « intelligent », il rend l’accès à l’information plus facile, plus rapide, que l’info soit vraie ou fausse…

  8. #9 par Cyroul le décembre 16, 2009 - 2:33

    Article très interessant sur le sujet de la régulation de l’information chaude.
    Je serai néanmoins moins optimiste. Je pense en effet que cette auto-régulation ne vaut que par ceux qui la font.
    Et il suffit de quelques personnes un peu maligne pour lancer des rumeurs désastreuses pour un individu ou une marque.

    Twitter est donc un outil dangereux qu’il va toujours falloir prendre comme ce qu’il est : un déversoir d’informations, qu’il faudra vérifier avant tout. Tant pis pour ceux qui y croiront.

  9. #10 par dgidgi/dgitwitt le décembre 30, 2009 - 10:39

    J’ai quand meme bien l’impression que twitt n’y est pas pour grand chose. Il s’agit juste que la sphere que tu frequentes et que tu te crees est pas mal peuplee de bloggeur de renommee et peut etre meme un peu plus ‘cultivee’ qu’ un forum classique . Ca pondere les ardeurs. Un meme bruit sur un canal plus grand publique (cours d’ecole par exemple) ou dans un sphere plus large aurait peut etre degenere … (skuz, je n’ai pas les accents sur mon mobile). Dgidgi.

  10. #11 par bafd le Mai 26, 2010 - 5:22

    Super article ! Avec ca je pourrais rebondir moi aussi !

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